Le 8 mars 2009
Objet : « « SACRÉ » : le « VRAI » et le faux »
Monsieur Régis Debray
Aux bons soins des
Editions Gallimard
5, rue Sébastien Bottin
75328 Paris cedex 07
Fax : 01.45.44.94.03
Monsieur,
La publication de votre ouvrage, Le moment fraternité, ainsi que l’entretien accordé à Elisabeth Lévy, publié dans l’hebdomadaire Le Point (Cf. n°1902 du 26 février 2009) sous l’intitulé « le sacré repousse tout seul », et votre intervention dans « Les matins » de France Culture me donnent une excellente occasion de prendre contact avec vous, comme j’en avais déjà eu maintes fois l’intention depuis bien longtemps. En effet, un ancien révolutionnaire, de surcroît ex-guérillero du mythique Che Guevara, capable de déclarer publiquement – certes, bien des années plus tard, et après être revenu d’illusions romanesques de jeunesse ! – à la face des moralisateurs de tout poil : « Entre le fascisme et le bordel organisé, il y a un juste milieu ! » [LCI, Edwy Plenel, « Le mondes des idées »], ne pouvait pas être, forcément, tout à fait semblable à ces soi-disant « élites » de l’époque, qui font aujourd’hui l’opinion – d’où mon désir ancien de vous interpeller.
La raison fondamentale en est que tous ces confectionneurs de « prêt à penser », tous milieux confondus [Médias, responsables politiques, intelligentsia (prétendus intellectuels ou pseudo-philosophes) et associations droits-de-l’hommiste], loin d’apporter LA Vérité éternelle absolue, trompent et manipulent l’opinion, en colportant sans cesse les mensonges, les « croyances au miracle » et autres voeux pieux de la Superstition dans ses divers modes d’expression, sans avoir ni le courage ni l’honnêteté intellectuelle de débattre sur le fond – c’est pourtant, et seulement, sur de telles croyances superstitieuses que notre monde, dit moderne, continue de fonctionner comme aux pires époques obscurantistes !
C’est pourquoi, après avoir contacté nommément, mais vainement, tous ces faiseurs d’opinion, leurs noms figurent dans le document annexé, Mensonges et lâcheté des élites, dont le principal mérite, du seul fait de n’avoir été contesté sur le fond par personne jusqu’ici, est d’attester la réalité des mensonges du monde, résultat du penser superstitieux de notre entendement. Ce penser superstitieux s’exprime dans la religion, toutes religions confondues – monothéistes ou non -, dans la métaphysique (Doctrine matérialiste d’Aristote, notamment, et du scientisme contemporain, positivistes inclus, ainsi que scolastique idéaliste ou pseudo-philosophie spiritualiste de Descartes et de Kant, entre autres « philosopheurs »), dans l’idéologie, toutes les idéologies sans exception – illusion altermondialiste incluse -, et dans le moralisme [Morale et condamnations moralisatrices des Autres au nom de LA Morale : LAQUELLE ? !], tous catéchismes réunis, y compris le catéchisme soi-disant universel contemporain, ou Déclaration « prétendument » universelle des droits de l’Homme, dont seule l’inobservation est réellement universelle – sauf à vous-même ou à quiconque, évidemment, de démontrer le contraire, à l’aune du devenir du monde depuis 1948, date de son adoption par « quarante-huit » Etats de la planète sur les deux cents, environ, qu’elle compte aujourd’hui ! Vous avez dit « universels » ? !
Fussent-ils réellement universels, ces droits n’en seraient pas moins « relatifs » à jamais, et cette « relativité » définitive suffit à expliquer en partie pourquoi, non seulement ils ne sont pas universels, mais pas davantage « universalisables » selon les vœux pieux de Mireille Delmas-Marty et de Marcel Gauchet dans l’émission Répliques sur France Culture – cette source d’information également superstitieuse, ainsi que démontré dans le courrier adressé, et aussi peu intellectuellement courageux pour débattre sur le fond que toutes les autres prétendues élites dénoncées !
Au préalable, toutefois, avant d’en venir à l’analyse des propos rapportés dans le Point ainsi que de ceux tenus sur France Culture, je me dois de préciser ce qu’il faut entendre par « Superstition », au sens donné à ce terme par le philosophe juif allemand Constantin Brunner (1862-1937), héritier spirituel, entre autre, de mystiques authentiques tels le Bouddha et le Christ dans leur Parole non pervertie par la superstition religieuse, qui a usurpé leur nom pour en faire les fondateurs d’une religion qu’ils n’ont pas voulu créer, et de « vrais » philosophes du UN absolu – UNIQUE ! -, parmi lesquels Socrate, Platon, Giordano Bruno et Spinoza.
Pour Brunner, toutes les formes de la Superstition se caractérisent par l’ « absolutisation du relatif », qui constitue ainsi le péché capital de notre entendement humain. Ce procédé, intellectuellement malhonnête, consiste à présenter, par un tour de passe-passe, comme « absolu », comme réalité ou Vérité absolue, tout notre « pensé » (das Gedachte, chez Brunner), à savoir tout le contenu pensé dans et sur (à propos de) notre monde. Or, dans notre monde, TOUT est relatif et RIEN n’est absolu – sauf à vous-même ou à quiconque, évidemment, de démontrer le contraire ! C’est pourquoi, pour vous y aider éventuellement, je vous invite à consulter le document intitulé « À propos de vraie philosophie », visant à établir la fausseté des « croyances superstitieuses » de la religion, du scientisme matérialiste avec son big bang et de la prétendue philosophie spiritualiste avec son Dieu créateur, en vous laissant le soin d’avancer vos éventuelles objections sur le fond.
Fondées seulement sur la Foi, et nullement sur la Raison, toutes ces fausses croyances ont pour tare originelle de terminer dans le « dualisme » des absolus : un Dieu créateur ou un principe créateur (primus motor, big bang, théorie des cordes, etc.), et leur prétendue création ou production : notre monde humain. Ainsi celui-ci y est-il fictivement considéré comme absolu, non seulement comme ayant un commencement absolu, d’origine externe, mais comme existant « absolument », c’est-à-dire possédant une existence absolue, donc « éternel », en somme – cherchez l’erreur !
La première erreur est que notre monde ne peut avoir été créé et être, en même temps, éternel – si quelque chose d’éternel était créé, non seulement ça se saurait depuis longtemps, mais surtout ce ne serait pas éternel ! La deuxième erreur des religions et de la métaphysique scientiste et idéaliste consiste à croire possible la coexistence de ces « deux » absolus : Dieu ou le big bang, et notre monde. En réalité, TOUT « dualisme » des absolus est superstitieux, comme il en va aussi pour la soi-disant coexistence d’un Bien et d’un Mal prétendument absolus, ainsi que pour toute autre dualité fictivement érigée en absolu : philosophiquement parlant, deux absolus, c’est une « impossibilité absolue », par définition !
En effet, ce qui est absolu, c’est-à-dire absolument absolu – et non pas fictivement absolu, ou absoluité ! -, est à la fois infini, éternel, immuable et parfait. Je vous laisse donc le soin d’imaginer la coexistence éventuelle de « deux » perfections. Elle donnerait à penser, sauf à être rigoureusement identiques, que l’une de ces deux perfections serait plus parfaite que l’autre – et inversement ! D’autre part, si les deux sont infinies, sans se limiter mutuellement, il faudra m’expliquer comment cela est possible, et si les deux sont immuables, d’où viendrait le mouvement dans un monde absolu, le nôtre, puisque, de facto, en même temps immuable ? Pour forcer le trait, un « quid immuable » en mouvement, ce serait une monstruosité de la Nature, au sens spinoziste du terme, à savoir Dieu, ou la substance, laquelle se serait dédoublée – toutefois, les fidèles des religions et les « philosopheurs » matérialistes et idéalistes ne craignent pas de déchirer le UN !
Quant à l’éventualité de deux entités éternelles, qui coexisteraient, c’est le mystère le plus complet, puisque notre Raison peine déjà suffisamment à admettre l’idée de l’éternité d’une seule entité, ou substance, existant absolument, c’est-à-dire sans commencement ni fin. Mais il est vrai que la Raison n’est pas la faculté, ou genre de connaissance de notre entendement, apte à appréhender l’Absolu – sauf d’une manière superstitieuse, précisément en « absolutisant le relatif »! Je m’en tiens là, provisoirement, sur la méprise du penser superstitieux, qui se prend pour le penser spirituel véritable, en attendant vos éventuelles objections, philosophiquement étayées, c’est-à-dire ne confondant pas le relatif et l’absolu.
J’en viens à l’idéologie et au moralisme, qui ne sont pas en reste dans le domaine de la fiction, de la « croyance au miracle » et des vœux pieux – donc, de la Superstition ! Ainsi l’idéologie, en accréditant l’idée, intellectuellement et philosophiquement aberrante, de l’avènement d’un monde meilleur, d’un autre monde, d’un monde juste, etc., n’envisage-t-elle rien moins que de pouvoir transposer l’Idéal dans le quotidien : en clair, c’est croire pouvoir parvenir à un monde parfait avec des humains imparfaits – certes, DEMAIN, toujours DEMAIN et seulement DEMAIN, à la saint Glinglin, sauf à vous-même ou à quiconque, évidemment, de démontrer le contraire ! Des individus imparfaits, c’est tout simplement des êtres humains égoïstes dans leur désir premier de vivre le plus longtemps et le mieux possible, en se gratifiant, autant que faire se peut, dans leurs affaires d’amour, de possession et de gloire ou honneur-vanité, au point que même nos opinions, nos engagements et nos luttes résultent de notre égoïsme. C’est pourquoi, sauf à vous-même ou à quiconque de démontrer le contraire, j’affirme que RIEN n’est en mesure de changer la nature de l’Homme, et ainsi de faire du rêve d’aujourd’hui la réalité de demain. Les millénaires passés de l’humanité suffisent à en témoigner, et par conséquent l’espoir de l’Internationale a encore, et aura toujours, l’éternité devant elle !
Le moralisme n’échappe pas davantage à l’ « absolutisation du relatif », puisqu’il érige fictivement en absolu, en Bien et Mal absolus, des valeurs morales, laïques et républicaines, et des droits humains seulement relatifs. Pour ce qui est de la fable des bons et des mauvais par nature, pourtant dénoncée sans ambiguïté voici bientôt deux mille ans, à défaut d’y croire vraiment, les censeurs autoproclamés d’aujourd’hui, semblables à ceux d’hier et de demain, ne se gênent pas pour désigner les mauvais à la vindicte publique, en se fondant seulement sur la première fiction moraliste, qui décrète arbitrairement, ce qu’il est « absolument » bien ou mal de penser et de dire ; et ce, d’autant plus que chacun est censé disposer d’un prétendu « libre arbitre » permettant de choisir librement entre bien et mal agir, moralement parlant – en toutes circonstances, évidemment, fut-ce en cas de danger de mort !
Toutefois, je ne développe pas davantage ces questions, ici, puisque je vous invite à prendre connaissance des précisions et des arguments fournis à ce sujet dans la lettre du 18 septembre 2008, adressée à Nicolas Sarkozy en envoi recommandé avec accusé de réception. Je tiens à souligner, toutefois, que je ne pense pas être assez stupide pour envoyer un aussi long courrier à un chef d’Etat, afin de lui raconter seulement des balivernes – mais il ne tient qu’à vous, évidemment, de démontrer le contraire !
Après ces brèves considérations sur la Superstition en général, j’en viens plus précisément à vos propos concernant le « sacré », tant dans l’entretien avec Elisabeth Lévy que dans votre intervention sur France Culture, en affirmant a priori qu’ils n’évitent pas les contradictions –entre l’Idéal, la théorie, et la réalité quotidienne, la pratique, elles sont forcément infinies !
C’est pourquoi, sur votre emploi du terme « sacré », je crains que vous ne fassiez la même confusion qu’à propos du mot « idéal », où, habituellement, sont superstitieusement confondus le relatif et l’absolu. Ainsi, bien que rien ne soit réellement absolu dans notre monde – du moins jusqu’à ce que vous ayez démontré le contraire ! -, nous ne pouvons pas nous empêcher, cependant, de penser le moindre de nos concepts sans penser à la fois, plus ou moins consciemment et nettement, l’Idéal du concept pensé (par exemple, femme et femme idéale, égalité et égalité idéale, etc., etc.) – c’est l’illustration même du penser superstitieux, qui érige « fictivement » le relatif en absolu !
En effet, nos concepts idéalisés, c’est-à-dire élevés à l’Idéal, ne sont en rien l’Idéal « en soi », à jamais inconnaissable – ils n’en sont, et n’en seront, pour toujours que de pâles reflets. Il en va de même pour le « sacré », d’une façon générale, lequel, loin d’être « absolument sacré », n’est que l’élévation fictive du relatif à l’absolu – et donc une tromperie, une manipulation de l’opinion ! Les exemples en sont infinis, mais nos valeurs républicaines de liberté, d’égalité et de fraternité – précisément – suffisent à témoigner de l’ « absolutisation du relatif », donc de ce penser superstitieux ! En conséquence, même le « moment fraternité », dont vous rêvez, est de la même veine, c’est-à-dire renvoyé à DEMAIN, toujours DEMAIN et seulement DEMAIN, à la saint Glinglin – sauf à vous-même ou à quiconque, bien entendu, de démontrer le contraire ! C’est pourquoi, comme vous l’avez déclaré sur France Culture, il serait plus juste, et plus honnête, de parler de « roman fraternité », car la fraternité ne dure que ce que durent les roses ! ! !
Faire croire à un « vivre ensemble » harmonieux, lorsque des individus, ou des groupes d’individus, communautaristes ou non, ni plus ni plus moins « irréprochables » que quiconque, n’ont de cesse de faire culpabiliser les Autres au nom d’un passé révolu de plusieurs décennies, voire de plusieurs siècles, alors que l’esclavage, les conflits interethniques ou interreligieux, et même le renvoi réciproque de population par centaines de milliers de personnes – cf. Algérie et Maroc ! – se perpétuent sur leur continent d’origine, c’est tout simplement faire preuve de « schizophrénie » ; mais il est vrai que les « vertueux » se caractérisent surtout en reprochant aux Autres ce qu’eux-mêmes ont fait hier, et referont demain, à la première occasion où leurs intérêts de toutes sortes l’exigeront ! Pour prendre un seul exemple de l’actualité la plus brûlante, les Guadeloupéens, profitant de problèmes économiques avérés, se sont servi de cette opportunité pour reprocher à la France son passé colonial, voire des pratiques semblables aujourd’hui, sans omettre des propos discriminatoires de leur leader, en oubliant que « des » Guadeloupéens se sont distingués, récemment, par leur chasse aux clandestins haïtiens – vous avez dit « vertueux » ? ! J
usqu’à preuve du contraire, à propos du sacré, les êtres humains ont surtout inventé des « sacrés fictifs », le plus souvent – pour ne pas dire toujours -, dans le sens de leurs intérêts, comme il en va de leurs dieux, de la révolution (de droite ou de gauche), de la morale et de ses catéchismes antagonistes, des mémoires, coloniale et juive aujourd’hui, etc., etc. Loin de les rapprocher, le « sacré fictif »i des uns et des autres n’a eu de cesse de les diviser, à l’exemple de l’affaire Dieudonné, hier encensé, aujourd’hui honni par les mêmes – sauf à vous, évidemment, de démontrer le contraire à l’aune de l’infinité des conflits sur la planète, y compris chez nous, au nom des religions, des idéologies et des mémoires !
Vous aurez beau, tous, pérorer, à longueur d’antenne et de colonnes, « liberté, égalité et fraternité resteront à jamais de vains mots », selon le propos même de Jacques Chirac durant la campagne présidentielle 2002, tout comme il en ira de son autre « perle » oratoire, parlant de rendre possible l’impossible ! Si l’avantage de la Foi est de faire avaler n’importe quoi, au point que la formule « credo quia absurdum » en témoigne, il n’en demeure pas moins pas moins que la Raison n’est pas la chose du monde la mieux partagée, puisque c’est la « croyance au miracle » – et en toute circonstance, où la Foi prend le pas sur la Raison, celle-ci régresse, et la « débilité intellectuelle » progresse !
Cette derrière se manifeste à travers d’infinies contradictions, qui ne sauraient être la meilleure illustration de la Vérité – sauf à avoir une conception très particulière de celle-ci ! Ainsi vos propos sur France Culture recèlent-ils un certain nombre de contradictions, que vous avez dû concéder à vos interlocuteurs. C’est le cas, par exemple, lorsque vous avez parlé de réhabiliter la fraternité, comme si elle pouvait s’imposer d’en haut, ou de l’extérieur, en déclarant : « Ce n’est pas le libéralisme, qui est l’horizon de la fraternité ». C’est oublier un peu vite la solidarité de classe des aristos et des békés, entre autre, et c‘est surtout ignorer ce récent propos de Jean-Luc Mélenchon, attestant que ce n’est pas non plus le socialisme qui a instauré, et instaurera, la solidarité, la fraternité, à en juger seulement d’après les comportements publics manifestes des « camarades » durant le dernier congrès de Reims – et ensuite pour désigner un Premier secrétaire ! C’est pourquoi Jean-Luc Mélenchon était d’autant plus autorisé, à l’exemple d’Olivier Duhamel dans l’une de ses chroniques matinales sur France Culture, à juger sévèrement les socialistes, en déclarant : « Les socialistes, ils ne brillent pas par leur solidarité humaine, ni par leur capacité à discuter avec leurs propres dirigeants. » [France Culture, 24 janvier 2009]
Par ailleurs, à la question : « Comment organiser politiquement la fraternité ? », votre réponse embarrassée : « Je ne peux pas vous le dire. » témoigne suffisamment, pour moi, que son renvoi est programmé pour la saint Glinglin ; et encore était-il seulement question d’en faire une réalité chez nous – alors, je vous laisse imaginer combien de millénaires l’attendront encore sur l’ensemble de la planète ! Vous avez dit « obscurantisme » ? Et vous avez raison ! ! ! Vous l’avez d’ailleurs confirmé indirectement, en déclarant au sujet du titre de votre essai: « Je l’appellerai plutôt « roman fraternité » ; les fraternités, ce sont des moments. » (SIC !). Ce n’est donc pas sans raison que Caroline Eliacheff vous a posé la question : « Je me demande où vous voulez en venir » ! Et Marc Kravetz a porté le coup de grâce, en ajoutant : « C’est toujours difficile quand on veut hypostasier les choses, un jour ça s’arrête. » – forcément, quand on veut élever le relatif à l’Absolu, au Sacré absolu, la supercherie se dévoile au grand jour ! Vous aurez beau remplacer le mot « fraternité » par le néologisme « fratriarchie », et Ségolène Royal scander « FRA-TER-NI-TÉ », à gorge déployée, en détachant les syllabes, elle restera à jamais un vain mot – hormis l’espace d’un instant, mains non partagé par TOUS ! Donc, pas de quoi se faire des illusions, et d’autant moins si j’en juge d’après la remarque d’Ali Baddou « La haine, ça peut aussi créer des moments fraternels. »…
Néanmoins, je partage un certain nombre de vos points de vue, et en particulier, pour l’avoir vécu en internat et à l’armée, je reconnais que la fraternité s’exprime d’autant plus dans des moments difficiles, lorsqu’il s’agit, par exemple, de partager les caisses à provisions et les colis avec des camarades de réfectoire ou de chambrée pour améliorer le maigre ordinaire. Je suis aussi de votre avis quant à la nomination de ministres et de secrétaires d’Etat chargés des droits de l’Homme, que vous avez qualifiée de plaisanterie, voire d’une sorte de décoration inutile, ainsi que sur une remarque baptisant les droits de l’Homme de « religion des incroyants ». C’est ce qu’ils sont en réalité, à savoir l’élévation fictive du relatif à l’absolu dans un catéchisme, fut-il, mensongèrement, déclaré universel ! Aucun catéchisme, qu’il soit religieux, idéologique ou autre, n’exprime quoi que ce soit d’absolu, et traduit seulement l’institutionnalisation de la morale : la morale relative y est érigée en MORALE absolue, dont certains puissants du jour s’autoproclament les juges, voire les justiciers, pour juger et condamner moralement les Autres, en vertu de leur devise favorite : « Je suis vertueux, donc je condamne. » – à moins que ce ne soit l’inverse ! Socrate, le Christ, Giordano Bruno et Spinoza en témoignent ! ! !
De cette brève analyse, en guise de conclusion, je retiens vos propos pessimistes parlant des folies de la fraternité, dont témoignent amplement l’époque stalinienne et le génocide cambodgien, entre autres, ainsi que de la cruauté de la fraternité, d’où je vois mal comment pourrait sortir une « juste fraternité » généralisée à la planète entière. Je retire donc de votre ouvrage l’impression que « Le moment fraternité » est, et demeurera, un vœu pieux, donc une « croyance au miracle », jusqu’à la fin des temps – sauf à vous, évidemment, de démontrer le contraire, faute de ne pouvoir dire « comment l’organiser politiquement » !
Dans l’attente de vos éventuelles objections de fond, intellectuellement et philosophiquement étayées, sur des points très précis, et non mineurs, de l’ensemble de ces documents, à défaut de quoi vous seriez semblable aux soi-disant élites dénoncées qui continuent à colporter les mensonges et les « croyances au miracle » du monde sans débattre, je vous remercie de votre attention et vous prie d’agréer, Monsieur, mes salutations distinguées.
Annexe : I – Lettre du 18 septembre 2008 à Nicolas Sarkozy
II – A propos de vraie philosophie